Laurent Frölich avocat assistance marchés publics et  droit avocat délégation de service public et  droit de la fonction publique, Paris et Lille

Actualité de la jurisprudence en droit des contrats publics – Janvier/Février 2024

Mention “ou équivalent” dans les documents de la consultation
CAA Douai, 2e ch. - formation à 3, 9 janv. 2024, n° 22DA02510 confirmation du rejet du recours d’un candidat évincé.
Rappel de la pertinence de la mention “ou équivalent” concernant les caractéristiques techniques exigées à “ (…) les caractéristiques techniques que les documents de la consultation peuvent énoncer ne peuvent avoir pour objet ou pour effet d’interdire aux candidats de présenter des solutions équivalentes dès lors qu’elles permettent de satisfaire aux exigences de performance minimales attendues par le pouvoir adjudicateur. (…)”

Vérification de la capacité du candidat
TA Lille, 25 janvier 2024, n° 2309846, annulation de la procédure de passation sur recours pour excès de pouvoir.
Le contrôle de la régularité de l’action du pouvoir adjudicateur en matière de vérification du niveau de capacité ne se limite qu’à l’erreur manifeste d’appréciation à  “(…) le pouvoir adjudicateur doit contrôler les garanties professionnelles, techniques et financières des candidats à l’attribution d’un marché public. Les documents ou renseignements exigés à l’appui des candidatures doivent être objectivement rendus nécessaires par l’objet du marché et la nature des prestations à réaliser. Le juge du référé précontractuel ne peut censurer l’appréciation portée par le pouvoir adjudicateur sur les niveaux de capacité technique exigés des candidats à un marché public, ainsi que sur les garanties, capacités techniques et références professionnelles présentées par ceux-ci que dans le cas où cette appréciation est entachée d’une erreur manifeste. (…)”

Exception valable à l’obligation d’utiliser la langue française
TA Lyon, 16 janvier 2024, n° 2311131, rejet du recours pour excès de pouvoir d’un candidat évincé. 
Pour un marché dans lequel la rédaction en français de l’offre était imposée, admission à titre exceptionnel de l’anglais pour une pièce qui se réfère à une norme internationale ou à un label à “ (…) La circonstance que cette pièce était rédigée en langue étrangère n’a pas fait obstacle à cette vérification, car la norme ou le label sont exprimés dans un langage international. (…)”

La note doit faire le classement mais le classement ne peut pas faire la note
TA Limoges, 9 janv. 2024, n° 2302206, annulation de la procédure suite à référé précontractuel.
Irrégularité pour rupture de la méthode de  notation qui part d’un classement entre les différentes offres pour noter chaque critère et sous-critères à “(…) la méthode de notation mise en œuvre (…) a consisté à classer les offres sur chaque critère et sous-critère, la meilleure recevant le rang 1, la suivante le rang 2 et ainsi de suite en fonction du nombre d’offres proposées et à multiplier ce rang assorti d’une note correspondant à ce même rang à la pondération établie pour chacun des critères et sous-critères pour déterminer la notation de chaque critère ou sous-critère. Cette méthode de notation, qui n’est ainsi fondée que sur le classement des offres sur chacun des critères et sous-critères, conduit à l’attribution de notes ne présentant potentiellement aucun lien ni rapport direct avec la valeur de ces offres, tant intrinsèque que comparée à celle des autres offres. (…) Une telle méthode de notation paraît ainsi par elle-même de nature à porter atteinte au principe d’égalité entre les candidats, lesquels ont nécessairement été lésés par sa mise en œuvre. (…)

Le titulaire d’une DSP peut résilier son contrat dans des conditions extrêmement restrictives 
T.A. de Paris 3e section - 3e chambre, 6 février 2024, ordonnance de jugement n° 2212687.
Est entachée de nullité la clause de résiliation au profit du concessionnaire dans un contrat de délégation de service public. Ainsi dans un contrat administratif ayant pour objet l'exécution d'un service public, le cocontractant ne peut pas résilier unilatéralement le contrat en invoquant l'inexécution par la personne publique de ses obligations, même si une clause le prévoit. Une telle clause est considérée comme nulle. Le cocontractant doit poursuivre l'exécution du contrat, sauf en cas de force majeure, et peut contester devant le juge le motif d'intérêt général qui lui est opposé pour obtenir la résiliation du contrat. à “ (…) D’autre part, le cocontractant lié à une personne publique par un contrat administratif est tenu d’en assurer l’exécution, sauf en cas de force majeure, et ne peut notamment pas se prévaloir des manquements ou défaillances de l’administration pour se soustraire à ses propres obligations contractuelles ou prendre l’initiative de résilier unilatéralement le contrat. Il est toutefois loisible aux parties de prévoir dans un contrat qui n’a pas pour objet l’exécution même du service public les conditions auxquelles le cocontractant de la personne publique peut résilier le contrat en cas de méconnaissance par cette dernière de ses obligations contractuelles. Cependant, le cocontractant ne peut procéder à la résiliation sans avoir mis à même, au préalable, la personne publique de s’opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d’intérêt général, tiré notamment des exigences du service public. (…)”

La durée d’exclusion d’un candidat court à compter de sa condamnation non-définitive
C.E. 16 février 2024, req. n° 488524.
Précision des conditions temporelles de la possibilité d’exclusion d’un opérateur condamné ou soupçonné de faits de nature à remettre en cause son aptitude. Les articles L. 2141-7 à L. 2141-11 du Code de la commande publique sur ce point sont précisés à l’aune de l’article 57 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014. à “ (…) 5. Il résulte de ces mêmes dispositions, qui doivent être interprétées à la lumière des dispositions de l’article 57 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 qu’elles transposent en droit national, lesquelles limitent à trois ans la période pendant laquelle un opérateur peut être exclu dans les cas visés au paragraphe 4 de cet article, que l’acheteur ne peut pas prendre en compte, pour prononcer une telle exclusion, des faits commis depuis plus de trois ans. Toutefois, lorsqu’une condamnation non définitive a été prononcée à raison de ceux-ci, cette durée de trois ans court à compter de cette condamnation. (…)”

Paiement direct du sous-traitant : le contrôle du maître d’ouvrage se limite à la conformité des travaux exécutés
CE, 7-2 chr, 2 févr. 2024, n° 475639. 
Le contrôle du maître d’ouvrage sur l’exécution des travaux dans le cadre du droit au paiement direct du sous-traitant les ayant réalisés se limite à un contrôle de conformité qui ne peux pas être un contrôle du niveau de qualité des travaux. Application notamment de la jurisprudence CE, 9 juin 2017, Société Keller Fondations Spéciales, req. n°396358 à “ (…) Dans l’hypothèse d’une rémunération directe du sous-traitant par le maître d’ouvrage, ce dernier peut contrôler l’exécution effective des travaux sous-traités et le montant de la créance du sous-traitant. Au titre de ce contrôle, le maître d’ouvrage peut s’assurer que la consistance des travaux réalisés par le sous-traitant correspond à ce qui est prévu par le marché. (…) en jugeant que le maître d’ouvrage pouvait exercer un contrôle sur la qualité des travaux exécutés alors que ce dernier pouvait seulement s’assurer que leur consistance correspondait à ce qui était prévu par le marché, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Lyon a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la société Eiffage Energie Systèmes – IT Rhône-Alpes est fondée à demander l’annulation de l’ordonnance qu’elle attaque. (…)”