Dans le cadre de marchés publics de travaux, à côté de la réception prononcée sans réserve, le Cahier des Clauses Administratives Générales prévoit deux autres cas de figure que sont la réception avec réserves et la réception sous réserves. Si la réception sans réserve apparaît facile à appréhender, il n’en est pas toujours de même s’agissant des deux autres, notamment au regard des conséquences que leur mise en œuvre peut entraîner.
Article 41.3 CCAG travaux : « Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'œuvre, le maître d'ouvrage décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. (…) »
La réception sous réserves est la promesse d’une réception sous condition de satisfaire ultérieurement aux réserves formulées par le maître d’ouvrage. La réception est ici purement potestative. Le CCAG Travaux prévoit deux cas dans lesquels il est possible de les prononcer. Il s’agit d’une part des épreuves et d’autre part des prestations n’ayant pas encore été réalisées.
Dans le premier de ces deux cas, concernant les épreuves, la réception est alors nécessairement sous réserve de « l’exécution concluante de ces épreuves ».
- Article 41.4 CCAG Travaux : « Dans le cas où certaines épreuves doivent, conformément aux stipulations prévues par les documents particuliers du marché, être exécutées après une durée déterminée de service des ouvrages ou certaines périodes de l'année, la réception ne peut être prononcée que sous réserve de l'exécution concluante de ces épreuves. Si de telles épreuves, exécutées pendant le délai de garantie défini à l'article 44.1, ne sont pas concluantes, la réception est retirée. »
Le deuxième cas dans lequel la réception sous réserve peut être prononcée est celui où certaines prestations n’ont pas encore été réalisées par le titulaire du marché.
- Article 41.5 CCAG Travaux : « S'il apparaît que certaines prestations prévues par les documents particuliers du marché et devant encore donner lieu à règlement n'ont pas été exécutées, le maître d'ouvrage peut décider de prononcer la réception, sous réserve que le titulaire s'engage à exécuter ces prestations dans le délai précisé dans la décision de réception, ce délai ne pouvant excéder trois mois. La constatation de l'exécution de ces prestations doit donner lieu à un procès-verbal dressé dans les mêmes conditions que le procès-verbal des opérations préalables à la réception prévu à l'article 41.2 »
La notion de réception avec réserves
La réception avec réserves est une réception pleine et entière mais qui s’accompagne d’une charge pour le titulaire qui doit remédier « aux imperfections et malfaçons », ou satisfaire à son obligation de remise en état des abords du chantier tel que visé à l’article 41.2 du CCAG par exemple sur la constatation du repliement des installations de chantier et de la remise en état des terrains et des lieux ou encore « la vérification de la conformité des conditions de pose des équipements aux spécifications des fournisseurs conditionnant leur garantie ». La réception avec réserve est ici une véritable réception prononcée mais assortie d’obligations nouvelles à la charge du titulaire du marché.
- Article 41.6 CCAG Travaux : « Lorsque la réception est assortie de réserves, le titulaire doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par le maître d'ouvrage dans la décision de réception ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini à l'article 44.1.
Au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, le maître d'ouvrage peut les faire exécuter aux frais et risques du titulaire, après mise en demeure restée sans effet. »
Conséquences juridiques
Si la distinction peut sembler abstraite, celle-ci entraîne pourtant des conséquences dont la portée pratique ne doit pas être négligée notamment en matière de délais pour transmettre les décomptes.
- Conséquences de la réception sous réserves
Comme cela a été évoqué plus haut, la réception sous réserves n’est pas une véritable réception à l’instant où elle est prononcée, elle a seulement vocation à le devenir éventuellement si les réserves sont levées. Cela emporte plusieurs conséquences :
Ainsi, en matière de délai de transmission du décompte final : dans le cas où le marché a fait l’objet d’une réception sous réserves, le délai pendant lequel la transmission du projet de décompte final est possible ne commence à courir qu’à compter de la levée de ces réserves : « Lorsque le maître d'œuvre propose de réceptionner l'ouvrage au moins en partie sous réserves, le délai ouvert au titulaire pour transmettre son projet de décompte final court à compter du procès-verbal de levée de ces réserves, y compris, le cas échéant, pour les travaux qu'il propose de réceptionner sans réserve ou avec réserves. » (Conseil d'État, 1er juin 2023, n° 469268, Centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes).
Ainsi, le projet de décompte final ne peut être transmis qu'après la levée des réserves, marquant la confirmation de la réception (Conseil d'État, 1er juin 2023, n° 469268).
2 Conséquences de la réception avec réserves
La réception avec réserves est une réception qui s’accompagne de charges pour le titulaire qui doit remédier « aux imperfections et malfaçons ». La réception est ici prononcée mais assortie d’obligations nouvelles pour le titulaire.
Ainsi, s’agissant du décompte général et définitif : « lorsque le pouvoir adjudicateur entend prononcer la réception en faisant application des dispositions de l’article 41.6 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux, relatives à la réception avec réserve des travaux, la date de notification de la décision de réception des travaux constitue le point de départ des délais prévus au premier alinéa de l’article 13.3.2[1], quelle que soit l’importance des réserves émises par le pouvoir adjudicateur. En revanche, cette date est celle de la levée des réserves lorsque la réception a été prononcée sous réserves en application de l’article 41.5 de ce cahier. » CAA de Bordeaux, 1er juin 2022, Préfecture de la Martinique, Inédit au recueil Lebon
Le processus de décompte final doit être engagé dans les 30 jours à compter de la date de la notification de cette réception avec réserves, de la même manière sur ce point qu’en matière de réception sans réserve et conformément à l’article 12.3.2 du CCAG Travaux, les réserves étant ici une condition de suivi et non de suspension.
Article 12.3.2. du CCAG Travaux « Le titulaire notifie son projet de décompte final, simultanément au maître d'œuvre et au maître d'ouvrage, dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux telle qu'elle est prévue à l'article 41.3 ou, en l'absence d'une telle notification, à la fin de l'un des délais de trente jours fixés aux articles 41.1.3 et 41.3. »
Cette position repose sur celle du Conseil d’Etat en la matière qui considère que « (…) lorsque le pouvoir adjudicateur entend prononcer la réception en faisant application des dispositions de l’article 41.6 du CCAG Travaux relatives à la réception avec réserves des travaux, la date de notification de la décision de réception des travaux, et non la date de levée des réserves comme pour la réception sous réserves prévues par l’article 41.5 de ce CCAG, constitue le point de départ des délais prévus au premier alinéa de l’article 13.4.2[2] quelle que soit l’importance des réserves émises par le pouvoir adjudicateur. » Conseil d’État, 8 décembre 2020, préfet de la Guadeloupe c/ société Sogetra, n° 437983.
L’article 12.3.2. nouveau alinéa 2 du CCAG Travaux introduit expressément cette solution en précisant que par exception à ce que prévoit son premier alinéa, le délai de trente jours visé à l’article 41.3 ne part pas de la date de la notification dans le cas d’une réception sous réserve.
Article 12.3.2. nouveau alinéa 2 du CCAG Travaux « (…) Toutefois, s'il est fait application des stipulations de l'article 41.5, la date du procès-verbal constatant l'exécution des travaux visés à cet article est substituée à la date de notification de la décision de réception des travaux comme point de départ des délais ci-dessus. (…)»
Le 3ème et dernier alinéa de cet article 12.3.2 vient de manière redondante préciser que cette exception ne concerne pas les réceptions avec réserves telles que visées à l’article 41.6 du CCAG.
Article 12.3.2. nouveau alinéa 3 du CCAG Travaux « (…) S'il est fait application des stipulations de l'article 41.6, la date de notification de la décision de réception des travaux est la date retenue comme point de départ des délais ci-dessus. »
Conclusion
- La réception avec réserve est une réception certaine qui permet pour l’entreprise d’adresser son projet de décompte final
- la réception sous réserve n’est pas encore une réception de telle sorte que l’entreprise ne peut transmettre son projet de décompte final qu'après la levée des réserves
Laurent Frölich
Avocats
Cabinet Laurent Frölich
www.clfavocats.fr
[1] Cf. l’article 12.3.2. nouveau du CCAG Travaux dans sa rédaction telle qu’elle résulte de de l'arrêté du 30 mars 2021
[2] Cf. l’article 12.4.2. nouveau du CCAG Travaux dans sa rédaction telle qu’elle résulte de de l'arrêté du 30 mars 2021