Laurent Frölich avocat assistance marchés publics et  droit avocat délégation de service public et  droit de la fonction publique, Paris et Lille

Entretien avec Laurent FRÖLICH sur le site Achat Public sur l'allotissement et le recours au marché global

Sur le site Achat Public.info du 14 mars 2016, entretien avec Laurent FRÖLICH : 
http://www.achatpublic.info/user/login?destination=actualites/info-du-jo...

Achat de logiciels : un juge valide le recours au marché global
 
Pour l’acquisition de trois logiciels, un pouvoir adjudicateur a choisi le marché global. Le juge du référé précontractuel, après avoir relevé qu’il s’agit de prestations distinctes, a validé le choix en se fondant sur le fait que la ville n’est pas en mesure d’assurer par elle-même les missions d’organisation, de pilotage et de coordination. De plus, il considère que la concurrence n’est pas restreinte, puisque les entreprises peuvent répondre en groupement.
 
Pour mettre fin à une situation archaïque, la commune a lancé un marché pour se doter d’une solution informatique dans laquelle le logiciel de gestion des ressources humaines, le logiciel de gestion financière et le logiciel de la commande publique sont interfacés. Estimant entrer dans les exceptions posées par l’article 10 du CMP, elle passe un marché global. L’objectif est de faire en sorte d’avoir une seule personne qui se préoccupe de toutes les questions induites par l’interopérabilité des logiciels, qui le fasse dans le délai prévu, et qui soit le seul interlocuteur de la commune s’agissant notamment du pilotage et du suivi du progiciel. La société Agysoft, éditeur de solution de « gestion de marchés publics », n’a pas pu répondre à la consultation. Elle saisit le juge du référé précontractuel d’une demande d’annulation de la procédure. Elle soutient que la commune a violé l’article 10 du code : « aucune atteinte à la concurrence, aucune difficulté techniques ni aucune raison économique ne s’opposent à un allotissement ». Par une ordonnance rendue le 1er février, le juge du tribunal administratif de Lille rejette la demande. Pour le magistrat, « s’il apparaît qu’il était effectivement possible de distinguer plusieurs prestations distinctes, pouvant conduire à un allotissement, il ne résulte pas de l’instruction que la commune aurait en décidant de recourir à un marché global, méconnu les dispositions de l’article 10 du code des marchés publics ». Pour rappel, l’article 10 pose le principe de l’allotissement. Toutefois, « lorsque l’objet du marché permet l’identification de prestations distinctes, le pouvoir adjudicateur ne peut légalement opter pour la dévolution sous forme de marché global que s’il justifie au moins un des trois conditions dérogatoires ». En l’espèce, c’est la condition tiré de l’impossibilité d’assurer par elle-même les missions d’organisation, de pilotage et de coordination qui a fait mouche.
 
Le recours au marché global
« La commune n’est pas en mesure d’assurer elle-même les missions de pilotage et de coordination. En cas d’allotissement, elle aurait eu besoin de personnels pour assurer ces missions, relève maître Laurent Frölich, avocat au barreau de Paris. Or, ajoute-t-il, ce n’est pas le cas. Son service informatique n’est composé que de cinq personnes dont un seul informaticien. » Dans son ordonnance, le juge considère que « le choix de la commune de passer un marché global s’explique également par son souhait de recourir aux services d’un seul et même prestataire […]. Une telle solution, qui implique la signature d’un seul contrat, s’oppose à tout allotissement ». Maître Julie Chevallier, avocat au cabinet Ernst & Young s’étonne de la position adoptée par le magistrat. « Pour le juge, il suffit de vouloir faire un marché global pour justifier le recours à cette formule. Les raisons liées à la taille du service informatique de la commune ne sont pas suffisantes. La commune n’a pas apporté d’éléments probants. S’agissant des missions de coordination, comme l’interfaçage, cela ne relève pas du pouvoir adjudicateur, mais des éditeurs de logiciels. La commune invoque également les difficultés qu’aurait engendrées la gestion de trois contrats différents. Mais en tant que tel cela ne suffit pas pour justifier le recours au marché global. Sinon, cela reviendrait à nier l’application du principe posé à l’article 10 du CMP », estime maître Chevallier.
 
Pas de restriction de la concurrence
La société requérante soutient également que le choix du marché global restreint fortement la concurrence. En effet, seul un nombre limité d’entreprises peut présenter une offre. Là encore, le juge balaie l’argument. « L’entreprise aurait pu présenter une offre en groupement ou avec un sous-traitant. La commune, dans son DCE, a d’ailleurs clairement ouvert le marché à la cotraitance, précise maître Frölich. Le choix de la ville n’a donc pas porté atteinte à la concurrence. » Julie Chevallier estime que ce raisonnement repose sur une mauvaise lecture de l’article 10 et du principe énoncé à l’alinéa 1er « afin de susciter la plus large concurrence…. ». Et d’ajouter : « les difficultés soulevées par la ville pour justifier le recours au marché global vont se retrouver en cas de groupement. Puisque dans ce cas, il aurait aussi fallu créer des interfaces. Le marché global ne se justifiait donc pas », insiste maître Chevallier.