Laurent Frölich avocat assistance marchés publics et  droit avocat délégation de service public et  droit de la fonction publique, Paris et Lille

Articulation entre sursis à statuer fondé sur les articles L. 424-1 et 153-11 du Code de l’urbanisme et permis de construire au sein d’un lotissement

CE, 31 janvier 2022, n°449496

https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2022-01-31/449496
 
Par cette décision du 31 janvier 2022, le Conseil d’Etat précise pour la première fois l’articulation des articles L. 442-14, L. 424-1 et L. 153-11 du Code de l’urbanisme. Il conclut qu’en vertu de l’article L. 442-14 du Code de l’urbanisme, il n’est pas possible d’opposer un sursis à statuer sur une demande de permis de construire présentée dans les cinq ans suivant une décision de non-opposition à déclaration préalable de lotissement, au motif que la réalisation du projet de construction serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan local d’urbanisme (PLU).

Les articles L. 424-1 et L. 153-11 du Code de l’urbanisme prévoient la possibilité, pour l’autorité administrative compétente en matière d’autorisation de constructions, installations ou opérations, de surseoir à statuer sur de telles demandes, lorsque le projet est de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur PLU. Ce sursis est possible seulement si le débat sur les orientations générales du futur projet d’aménagement et de développement durable a eu lieu, traduisant alors un état suffisamment avancé du PLU, mais également si le projet compromet réellement le futur PLU ou rend son exécution plus onéreuse, de telle sorte qu’une simple contrariété ne suffit pas à fonder un sursis à statuer.

Parallèlement, l’alinéa 1er de l’article L. 442-14 du Code de l’urbanisme prévoit que dans le cadre d’un lotissement ayant fait l’objet d’une déclaration préalable, le permis de construire qui suit ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme nouvelles pendant cinq ans à compter de la date de non-opposition à déclaration préalable.

La question se posait donc de savoir si le permis de construire, demandé dans les cinq ans de cette décision de non-opposition à déclaration préalable de lotissement, pouvait faire l’objet d’un sursis à statuer prévu par l’article L. 153-11 du Code de l’urbanisme, alors que les dispositions de l’article L. 442-14 indiquaient clairement qu’un tel permis ne pouvait être refusé sur le fondement de dispositions d’urbanisme nouvelles.

Dans cette affaire, le lotissement avait fait l’objet d’une décision de non-opposition à déclaration préalable le 12 avril 2018. Moins de cinq ans plus tard, le Maire de la Commune a délivré un permis de construire tacite pour la construction, au sein de ce lotissement, d’une maison individuelle avec piscine. Classiquement, les voisins de ce projet ont introduit un recours en excès de pouvoir contre ce permis de construire, qu’ils ont gagné devant le Tribunal administratif, jugeant alors que le Maire avait commis une erreur manifeste d’appréciation en s’abstenant de surseoir à statuer. 

Le Conseil d’Etat, après avoir rappelé les dispositions de l’article L. 442-14 du Code de l’urbanisme, tranche et annule pour erreur de droit le jugement du Tribunal administratif de Lyon : quand bien même il y aurait compromission ou exécution plus onéreuse du futur PLU, le sursis à statuer n’est pas possible dans de telles circonstances.

L’article L. 442-14 ne vise certes que le refus de permis de construire et non le sursis à statuer, mais si un tel sursis est prononcé, c’est évidemment pour opposer ultérieurement à la demande les dispositions d’urbanisme nouvelles du futur PLU, et la refuser.

Les conclusions de Monsieur Arnaud SKZRYERBAK, Rapporteur public, rappellent l’objectif de stabilité poursuivi par l’article L. 442-14, le but étant que le lotisseur puisse aménager et construire dans le même cadre règlementaire tout au long de son projet (Conclusions sous CE, 31 janvier 2022, req. n°449496).
Si la question s’est pour la première fois posée devant le Conseil d’Etat, les juges du fond avaient déjà eu à la connaître. Ils en étaient arrivés à la même conclusion que le Conseil d’Etat dans la présente décision (CAA Nantes, 30 avril 2014, req. n°12NT02773, CAA Lyon, 24 novembre 2020, req. n°20LY00278).