Laurent Frölich avocat assistance marchés publics et  droit avocat délégation de service public et  droit de la fonction publique, Paris et Lille

Conséquences juridiques et financières engendrées par la crise sanitaire lors de la reprise des chantiers

A l’heure où les entreprises du BTP reprennent progressivement leur activité sur les chantiers, conformément aux souhaits du gouvernement, la situation juridique et financière de celles-ci est nécessairement impactée par ces quelques semaines d’arrêt complet d’activité sur les chantiers.
Afin d’accompagner les entreprises du BTP dans cette reprise, l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP) a publié le 2 avril et mis à jour le 10 avril 2020, un guide de préconisations afin d’assurer la sécurité sanitaire sur les chantiers du BTP.
 
Toutefois, une entreprise peut-elle être indemnisée des préjudices subis lors de cette interruption d’activité et sur quels fondements juridiques peut-elle se fonder pour prétendre à une quelconque indemnisation ?
 
Certains maîtres d’ouvrage consciencieux ont rapidement pris l’initiative de suspendre l’exécution du marché, par une décision d’ajournement des travaux prévus à l’article 49.1 du CCAG-Travaux, et ce, par voie d’ordre de service.
Dans cette hypothèse, l’article 49.1.1 du CCAG-Travaux permet à l’entreprise d’être indemnisée des frais que lui impose la garde conservée sur le chantier, et du préjudice éventuellement subi du fait de l’ajournement.
Dans les conditions prévues à l’article 6-4° de l’ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020, il revient également aux parties de conclure un avenant déterminant les modifications et aménagements nécessaires, ainsi que les sommes dues au titulaire.
En dehors de cette hypothèse, l’entreprise a également la possibilité de se fonder sur la force majeure, ou l’imprévision, selon les préjudices qu’elle estime avoir subis pendant la phase d’interruption du chantier. 

  • La force majeure

Dès lors que les trois conditions d’extériorité, d’imprévisibilité et d’irrésistibilité sont réunies, le titulaire peut se prévaloir de la force majeure qui lui permet, en tant que cause exonératoire de responsabilité, de ne pas se voir appliquer de pénalités de retard, ou de voir sa responsabilité contractuelle engagée (article 6 1° et 6 2°a de l’ordonnance n°2020-319).
Par ailleurs en invoquant la force majeure, le titulaire pourra prétendre à un droit à réparation des pertes de matériel directement provoquées par le cas de force majeure, subies par lui-même et ses sous-traitants, mais ne pourra être indemnisé de son manque à gagner (CE, 11 décembre 1991, n°81588).
Le titulaire souhaitant ainsi se prévaloir de la force majeure et être indemnisé du préjudice subi, doit donc consigner par écrit au maître de l’ouvrage l’impossibilité d’exécuter ses obligations et le lien de causalité entre l’épidémie de Covid-19 et l’impossibilité d’exécuter ses obligations (article 18.3 du CCAG-Travaux).
La crise sanitaire actuelle ne saurait en tout état de cause faire croire aux entreprises que la qualification de force majeure est acquise, celle-ci s’appréciant au cas par cas.

  • L’imprévision

L’article L. 6 du Code de la commande publique dispose que « lorsque survient un évènement extérieur aux parties, imprévisible et bouleversant temporairement l’équilibre du contrat, le cocontractant, qui en poursuit l’exécution, a droit à une indemnité ».
Pour se prévaloir de la théorie de l’imprévision, trois conditions doivent être réunies, l’extériorité, l’imprévisibilité et un bouleversement économique du contrat, c’est-à-dire une aggravation significative des charges supportées par le titulaire (qui doit être égale ou supérieure à 15 % du montant du marché).
L’imprévision suppose que le titulaire continue à assurer l’exécution de ses prestations mais peut solliciter sur ce fondement, une révision des conditions financières du contrat ou obtenir une indemnisation des charges extracontractuelles qu’il a dû supporter au titre de cet évènement imprévisible.  
 
Dans les deux cas, il est vivement recommandé au titulaire de consigner par écrit les difficultés rencontrées et les conséquences financières en lien avec l’épidémie de Covid-19 et d’inciter les parties de procéder à la modification du contrat par voie d’avenant, en application de l’article L.2194-1 3° du Code de la commande publique.
 
Le Cabinet Laurent FRÖLICH s’engage ainsi à accompagner les acteurs du secteur du BTP afin de leur permettre de concilier au mieux la reprise de leur activité et la gestion des difficultés juridiques et financières provoquées par la crise sanitaire actuelle.