Laurent Frölich avocat assistance marchés publics et  droit avocat délégation de service public et  droit de la fonction publique, Paris et Lille

Droit de l’environnement 

Les personnes morales de droit public peuvent être responsables des dommages environnementaux causés par des activités exercées dans l’intérêt de la collectivité en vertu d’un transfert légal de mission, telles que l’exploitation d’une station de pompage à des fins de drainage de surfaces agricoles

https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2020-07/cp200084fr.pdf

Dans une affaire C-297/19 opposant un syndicat à une association en Allemagne, une partie de la péninsule d’Eiderstedt située à l’Ouest de l’Allemagne avait été classée en « zone de protection » du fait de la présence d’un oiseau aquatique protégé (la guifette noire). Un syndicat d’hydraulique et de bonification, personne morale de droit public, exploitait une station de pompage qui drainait un territoire. Cette mission de service public lui a été confiée par la loi et permettait l’entretien des eaux de surface ainsi que de réduire le niveau de l’eau.

Cependant, l’exploitation de la station de pompage a causé des dommages à l’environnement mettant en danger la guifette noire. Une association de protection de l’environnement a introduit un recours devant l’arrondissement de Frise-du-Nord afin d’obtenir de mesures de limitation et de réparation de ces dommages. Le recours de l’association a été rejeté.

L’association avait invoqué la législation allemande adoptée aux fins de transposition de la directive européenne 2004/35. Cette directive prévoit en effet un cadre de responsabilité environnementale, notamment le fait de prévenir et réparer les dommages environnementaux causés par des activités professionnelles aux espèces et habitats naturels visés par les directives dites « habitats » et « oiseaux » (respectivement les directives 92/43/CEE du 21 mai 1992 et 2009/147/CE du 30 novembre 2009).

L’annexe I, troisième alinéa deuxième tiret de cette directive prévoit que les Etats membres peuvent ne pas voir leur responsabilité engagée au profit de celle des propriétaires et exploitants, lorsque les dommages causés aux espèces et habitats naturels résultent d’une « gestion normale » du site concerné.

Saisie en appel, la Cour administrative fédérale d’Allemagne a posé une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne afin de savoir dans quelles conditions l’exploitation d’une station de pompage effectuant une mission de drainage peut entrer dans le cadre de la « gestion normale d’un site » au sens de la directive 2004/35.

Dans un arrêt du 9 juillet 2020, la Cour a énoncé que la notion de « gestion normale d’un site » implique la bonne administration et l’organisation des sites abritant des espèces ou des habitats protégés. La gestion est ainsi considérée comme « normale » si elle respecte les mesures de gestion adoptées par les Etats sur le fondement des directives dites « habitats » et « oiseaux ».

La Cour a précisé que : « la gestion normale d’un site peut, notamment, inclure les activités agricoles exercées sur le site, y compris leurs compléments indispensables comme l’irrigation et le drainage, et, partant, l’exploitation d’une station de pompage ».

Elle a ajouté que : « aux termes de l’annexe I, troisième alinéa, deuxième tiret, de la directive 2004/35, la gestion normale d’un site peut également résulter d’une pratique antérieure exercée par les propriétaires ou les exploitants » et que « cette règle couvre les mesures de gestion qui, à la date de survenance du dommage, ont été pratiquées pendant un laps de temps suffisamment long et sont généralement reconnues et établies pour pouvoir être considérées comme étant usuelles pour le site concerné, sous réserve cependant qu’elles ne remettent pas en cause la satisfaction des objectifs et obligations prévus dans les directives « habitats » et « oiseaux ».

La Cour de justice a enfin précisé que si les personnes morales de droit public peuvent être responsables des dommages environnementaux causés par des activités exercées dans l’intérêt de la collectivité en vertu d’un transfert légal de mission, telles que l’exploitation d’une station de pompage à des fins de drainage de surfaces agricoles, cette responsabilité ne peut être engagée que dans le cadre de l’activité professionnelle des personnes morales, couvrant l’ensemble de ces activités et par opposition aux activités menées dans un cadre purement personnel.