Laurent Frölich avocat assistance marchés publics et  droit avocat délégation de service public et  droit de la fonction publique, Paris et Lille

La mise en ligne de données personnelles d’un agent public relatives à sa nomination est soumise au RGPD

CE, 10 juin 2021, n°431875

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000043645870?isSuggest=true

Par cet arrêt, le juge administratif a été amené à concilier les règles relatives à la publicité de la nomination des agents publics avec la protection des données personnelles.

Faits

Dans cette affaire, un agent public, conformément au décret en date du 25 août 1995 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique, a été titularisé par un arrêté en date du 8 juillet 2015 publié au Bulletin officiel de la direction générale des finances publiques et mis en ligne sur le portail internet des ministères économiques et financiers.

L’agent estimait que cette publication portait atteinte à sa vie privée ; par courrier, il a demandé la suppression de la mention de son nom et de sa date de naissance sur la version de l’arrêté mise en ligne. Cette demande lui ayant été refusée, l’agent public a déféré ce refus devant le juge administratif.

La Cour administrative d’appel de Paris a considéré que la publication en cause ne constituait pas un traitement de données au sens du règlement général pour la protection des données (RGPD) : « la cour administrative d'appel a jugé que ni la publication par voie informatique d'un arrêté de nomination d'agents publics ne comportant que le nom des intéressés et l'indication du fondement juridique de leur nomination, ni la décision refusant de mettre un terme à cette publication, ne pouvaient être regardées comme relatives à un traitement de données à caractère personnel par voie informatique. »

 

Apport de la décision

L’agent public ayant formé un pourvoi en cassation, le Conseil d’État a conclu que la Cour administrative d’appel de Paris avait commis une erreur de droit et a jugé : « En écartant l'application de ces règles, alors que la seule publication sur un site internet de données à caractère personnel suffit à les rendre applicables, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ».

Par conséquent, le juge administratif estime qu’une nomination d’un agent public mise en ligne constitue un traitement de données personnelles soumis, de facto, au RGPD.

Réglant l’affaire au fond, le juge administratif a effectué un contrôle de proportionnalité entre la nécessaire information des tiers et la finalité du traitement.

Certes, le Conseil d’État a relevé que cette mise en ligne « révèle indirectement que les personnes recrutées à ce titre souffrent d’un handicap, elle ne donne directement aucune information sur la nature ou la gravité de ce handicap et ne saurait, par suite, être regardée comme procédant au traitement d'une donnée relative à la santé des personnes considérées. ». De plus, le juge administratif rappelle que cette mise en ligne a pour finalité de garantir les droits des tiers et le respect du principe d’égal accès aux emplois publics énoncé à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789.

Toutefois, un « maintien permanent sur le site internet du ministère de ces données personnelles excède ce qui est nécessaire au regard des finalités du traitement en cause ».

Par conséquent, le Conseil d’État enjoint à l’autorité compétente « de prendre des mesures de nature à l’imiter le traitement des données en cause à ce qui est nécessaire, en ne maintenant cette publication que sous la forme d'un extrait ne mentionnant pas le fondement juridique de l'arrêté de nomination ».