Laurent Frölich avocat assistance marchés publics et  droit avocat délégation de service public et  droit de la fonction publique, Paris et Lille

La notion de « différend » entre le titulaire du marché et l’acheteur public au sens de l’article 37.2 du CCAG Fournitures courantes et services

(CE, 22 nov. 2019, Etablissement Paris La Défense, req. n°417752 ; https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000039417327)
L’établissement public de La Défense a confié à une société un marché à bons de commande pour des prestations de nettoiement des espaces publics du quartier d’affaires de La Défense.
Cet établissement public a refusé de régler à cette société les factures correspondant à quatre bons de commande, au motif qu’une partie des prestations du marché n’aurait pas été effectuée par celle-ci.

Par un arrêt du 30 novembre 2017, la Cour administrative d’appel de Versailles a condamné l’établissement public à verser à la société titulaire du marché une somme de 589.393,33 euros TTC.
Saisi d’un pourvoi en cassation par l’établissement public contre cet arrêt, le Conseil d’Etat a apporté des précisions sur la notion de « différend » entre le titulaire du marché et l’acheteur public au sens de l’ancien article 34.1 du CCAG FCS, devenu l’article 37.2.

Selon le Conseil d’Etat, « l'apparition d'un différend, au sens des stipulations précitées, entre le titulaire du marché et l'acheteur, résulte, en principe, d'une prise de position écrite, explicite et non équivoque émanant de l'acheteur et faisant apparaître le désaccord. Elle peut également résulter du silence gardé par l'acheteur à la suite d'une mise en demeure adressée par le titulaire du marché l'invitant à prendre position sur le désaccord dans un certain délai. En revanche, en l'absence d'une telle mise en demeure, la seule circonstance qu'une personne publique ne s'acquitte pas, en temps utile, des factures qui lui sont adressées, sans refuser explicitement de les honorer, ne suffit pas à caractériser l'existence d'un différend au sens des stipulations précédemment citées ».

Il ressort des constatations de la Cour que par un courrier du 7 août 2013, la société titulaire a réclamé le paiement de trois factures en notant que l’acheteur avait indiqué oralement qu’il entendait les « bloquer intégralement » tout en procédant au règlement d’une de ces factures le 9 août 2013.
La Cour en a donc déduit que ce règlement a pu légitimement laisser penser à la société titulaire du marché que l’établissement public n’entendait pas refuser le paiement de ses factures et que dans ces conditions, le courrier du 7 août 2013 ne pouvait s’analyser comme une prise de position écrite, explicite et non équivoque émanant de l’acheteur et ne pouvant caractériser l’existence d’un différend au sens de l’article 37.2 du CCAG-FCS.

Le Conseil d’Etat valide ainsi le raisonnement des juges d’appel qui ont déduit que le mémoire de réclamation de la société, bien qu’adressé le 16 décembre 2013, soit plus de trente jours après le courrier du 7 août 2013, n’était pas tardif.