Laurent Frölich avocat assistance marchés publics et  droit avocat délégation de service public et  droit de la fonction publique, Paris et Lille

L’annonce des négociations en marché à procédure adaptée : vers la validation de la formule « le pouvoir adjudicateur se réserve la droit de négocier les offres »

 
L’article 28 du code des marchés publics dispose notamment :
« Le pouvoir adjudicateur peut négocier avec les candidats ayant présenté une offre. Cette négociation peut porter sur tous les éléments de l'offre, notamment sur le prix. »
 
On sait que depuis plusieurs années, la validité de la formule « le pouvoir adjudicateur se réserve le droit de négocier » introduite au sein des règlements de la consultation des MAPA fait débat.
 
Le Ministère de l’Economie, depuis la circulaire du 14 février 2012 relative aux guides de bonnes pratiques en matière de marchés publics, s’en tient à une position de principe rigide qui exclut la possibilité pour les pouvoirs adjudicateurs d’indiquer dans les règlements de consultation qu’ils se réservent la possibilité de recourir à la négociation :
« Si l'acheteur décide de recourir à la négociation, il doit en informer les candidats potentiels dès le début de la procédure, dans l'avis public d'appel à la concurrence ou dans les documents de la consultation. Les dispositions de l'article 42 du code des marchés publics imposent, en effet, au pouvoir adjudicateur de définir, dans les documents de la consultation, les caractéristiques principales de la procédure et du choix de l'offre. Par conséquent, si l'article 28 du code permet, de manière générale, au pouvoir adjudicateur de recourir à la négociation en procédure adaptée, il lui appartient d'indiquer expressément, pour chaque consultation, s'il entend, effectivement, faire usage de cette faculté. Il ne peut pas « se réserver le droit de recourir à la négociation », empêchant alors toute anticipation et toute prise en considération de la procédure qui sera, in fine, mise en œuvre pour déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse. »
 
La Cour administrative d’appel de Nantes, dans un arrêt du 7 juin 2013 (n° 11NT03240 « Sté Phytorem SA ») avait estimé dans une logique de transparence préalable totale que « si le pouvoir adjudicateur décide de recourir à la négociation, le principe de transparence des procédures impose qu’il en informe les candidats potentiels dès le début de la procédure, dans l’avis d’appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation ».
 
La CAA de Paris par un arrêt du 18 mars 2014 (req. n° 12PA02599 « Sté Axcess SAS ») a pour sa part jugé : « que, dans le cadre d’une procédure adaptée, le pouvoir adjudicateur peut décider de recourir à une négociation et choisir librement, dans le respect du principe d’égalité de traitement entre les candidats, ceux avec lesquels il souhaite négocier, sans être tenu de s’engager au préalable à user ou non de cette faculté ; qu’en prévoyant (…) que l’école se réservait le droit de négocier avec les trois premiers candidats au classement, le pouvoir adjudicateur n’a pas méconnu le principe d’égalité de traitement des candidats et n’a pas manqué à son obligation de transparence ».
 
La logique qui sous-tend cet arrêt est que l’analyse des offres initiales peut rendre intéressante ou pas la tenue d’une négociation. La bonne qualité des offres présentées pouvant ainsi rendre vaine une négociation et faire gagner du temps au pouvoir adjudicateur pour attribuer le marché.
 
Très récemment, par un arrêt du 5 mars 2015 « Sté montluçonnaise de travaux public et bâtiments » (req. n° 14LY011532
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000030322405&fastReqId=1796679449&fastPos=1) la Cour administrative d’appel de Lyon a jugé :
« que si le pouvoir adjudicateur décide, s'agissant d'un marché passé selon une procédure adaptée, de recourir à la négociation, le principe de transparence des procédures impose qu'il en informe les candidats potentiels dès le début de la procédure, dans l'avis public d'appel à la concurrence ou dans les documents de la consultation, ou à tout le moins qu'il précise, dans l'un de ces documents, qu'il se réserve la possibilité de négocier ; »
 
Cet arrêt valide donc la formule « le pouvoir adjudicateur se réserve la possibilité de négocier ».
 
Si ce raisonnement devait être confirmé par le Conseil d’Etat (l’arrêt de la CAA de Paris du 18 mars 2014 « Sté Axcess SAS » fait l’objet d’un pourvoi) alors la négociation ne serait exclue qu’en cas de silence du règlement de consultation sur l’éventualité d’une négociation ou en cas d’exclusion expresse.
 
La formule « le pouvoir adjudicateur se réserve la possibilité de négocier » va donc fleurir rapidement dans les règlements de consultation des procédures lancées prochainement…