Laurent Frölich avocat assistance marchés publics et  droit avocat délégation de service public et  droit de la fonction publique, Paris et Lille

Le Cabinet Laurent FRÖLICH dans la revue achat public sur les marchés de maîtrise d'oeuvre

L'art de rémunérer un maître d'oeuvre

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Si le prix est librement fixé par les candidats lors de la remise de leurs offres, la rémunération forfaitaire du maître d’œuvre se calcule en fonction d’un taux appliqué sur le coût des travaux estimé par le maître d’ouvrage. D’où l’importance de mettre au point un programme le plus complet possible. Si les nouveaux textes n’interdisent plus formellement d’intégrer un critère prix pour un concours, certains experts le déconseillent cependant.
« Exige beaucoup de toi-même et attends peu des autres. Ainsi beaucoup d’ennuis te seront épargnés ». Ce proverbe de Confucius s’applique parfaitement à une opération de travaux. Première épreuve : choisir son maître d’œuvre et bien cadrer sa rémunération.  Etablir un programme complet est un bon réflexe, comme le souligne la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (MICQP) dans le guide qu’elle vient de mettre à jour en septembre (en téléchargement). C’est même la pierre angulaire du succès, selon Corinne Cantat, directrice de la commande publique de La Ciotat et auteur de l’ouvrage « La loi MOP - aspects juridiques et comptables. »
Le programme, pierre angulaire du succès
Le document exprime la demande, les enjeux, les contraintes et les objectifs du maître d’ouvrage. De quoi informer parfaitement les candidats sur les missions attendues, la complexité et le montant estimé du projet. S’il est « bancal », attention aux lots infructueux et à l’explosion des coûts de maîtrise d’œuvre au cours de l’exécution. C’est pourquoi Corinne Cantat recommande fortement l’aide d’un programmiste,  surtout si la collectivité ne dispose pas de spécialistes en interne. La connaissance de l’enveloppe financière prévisionnelle allouée aux travaux (ou au mieux le coût prévisionnel) permet aux candidats de fixer dans leurs offres le taux qui sera appliqué sur cette estimation, en détaillant le pourcentage rattaché à chaque mission. Comme le stipule l’article 9 de la loi MOP, la rémunération du maître d’œuvre est forfaitaire : elle couvre l’ensemble de ses charges et missions ainsi que le bénéfice qu’il en escompte (Conseil d’Etat, 7ème et 2ème sous-sections réunies, n°319481 du 29 septembre 2010, Société Babel) et intègre la prime reçue du maître d’ouvrage pour avoir participé au concours.
Les cas de dépassement

Mais ce prix est provisoire. Une modification du contrat sera nécessaire, naturellement après l’attribution du marché de maîtrise d’œuvre, au moment où le montant exact des travaux est arrêté c’est-à-dire à l’adoption de l’étude d’avant-projet définitif (APD). Un avenant sera conclu entre les parties pour sceller définitivement le prix si le seuil de tolérance entre le coût initialement estimé et le coût réel des travaux est respecté. Prévu dans le marché (article 30 du décret n°93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé), il est de 2 à 3%, précise Me Charles Pareydt, avocat associé au cabinet HPG. 
Des taux de rémunération plus élevés pour les concours
En cas de dépassement expliqué par des faits extérieurs aux parties - comme une hausse des matières premières - Corinne Cantat préconise de négocier la baisse du pourcentage du cocontractant car l’augmentation de l’enveloppe budgétaire a pour conséquence d’enrichir ce dernier sans lien avec sa prestation. En cas de faute, Me Charles Pareydt conseille en revanche à la personne publique de prévoir contractuellement l’obligation pour le maître d’œuvre de reprendre le projet à ses frais. Inversement si le maître d’ouvrage est en cause en raison d’une mauvaise définition du besoin, la directrice de la commande publique de la Ciotat conseille de relancer la mise en concurrence. La procédure de passation a aussi une influence sur le prix du maître d’œuvre. Dans le cas d’un concours, Me Charles Pareydt constate des taux de rémunération plus élevés passant en moyenne de 8 à 9% à 13 à 14%.  Cette différence s’explique par le système de la double enveloppe pour l’offre.  Le taux de rémunération du maître d’œuvre est connu du jury après la sélection du ou des lauréats. Depuis la réforme de la commande publique, on s’interroge sur le maintien de ce dispositif absent de l’article 88 du décret marchés.
Concours et critère prix

D’un côté, certains soutiennent qu’il est toujours impossible de tenir compte de la rémunération car « le jury examine les plans et projets présentés par les participants au concours de manière anonyme et en se fondant exclusivement sur les critères d'évaluation des projets définis dans l'avis de concours ». De l’autre, il est observé dans le texte l’absence d’interdiction expresse de pouvoir évaluer les offres à l’aide du prix, contrairement à l’ancien code. L’avocat Laurent Frölich et sa consoeur Sandrine Colin (cabinet CLF) maintiennent que le prix n’est pas un élément d’appréciation pour déterminer la qualité d’un projet. 
Etablir un critère prix a pour effet d’entraîner  le dumping des honoraires, des économies sur les temps d’études et de suivi de chantier
Il serait même contre-productif : « établir un critère prix a pour effet d’entraîner le choix préférentiel de l’équipe sous-qualifiée et moins chère, le dumping des honoraires, des économies sur les temps d’études et de suivi de chantier, des solutions constructives et des choix techniques non optimisés, des dossiers de consultation peu approfondis. Autant de facteurs qui entraînent un coût global et une sinistralité accrue, avec pour conséquence la production d’un cadre de vie médiocre. Une pratique souvent réalisée dans les années 1970 à 1990 ». A ce stade, le jury ne doit pas être accaparé par des questions budgétaires, considère Corinne Cantat. Maître Laurent Frölich rappelle d’ailleurs le principe du concours qui ne sert pas à attribuer le marché mais seulement à sélectionner les plans ou les projets. A son terme, la procédure de négociation avec le ou les lauréats vise notamment à discuter des honoraires. Sur le papier, elle pourrait permettre au maître d’ouvrage de bénéficier de marges de manœuvre. En réalité, il n'en est rien car la pratique la plus courante est de désigner un seul lauréat, observe Maitre Pareydt.

© achatpublic.infoPar : M. Mathieu Laugier