Laurent Frölich avocat assistance marchés publics et  droit avocat délégation de service public et  droit de la fonction publique, Paris et Lille

Ne sont pas considérées comme des soumissionnaires distincts deux sociétés, faisant partie d’un même groupe et ayant déposé deux offres rigoureusement identiques pour un même lot caractérisant leur absence d’autonomie commerciale

CE, 8 décembre 2020, Métropole Aix-Marseille-Provence, n°436532
https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000042659658?isSuggest=true
 
Les conclusions du rapporteur public dans cette affaire sont disponibles sur le lien ci-dessous :
[PDF]
 
Le Conseil d’Etat précise dans cet arrêt que si deux personnes morales différentes constituent en principe des opérateurs économiques distincts, elles doivent néanmoins être regardées comme un seul et même soumissionnaire lorsque le pouvoir adjudicateur constate leur absence d'autonomie commerciale, résultant notamment des liens étroits entre leurs actionnaires ou leurs dirigeants, qui peut se manifester par l'absence totale ou partielle de moyens distincts ou la similarité de leurs offres pour un même lot.
 
En l’espèce, la métropole Aix-Marseille-Provence a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de l'attribution d'un accord cadre multi-attributaires ayant pour objet des travaux d'aménagement, de réparation, d'entretien, de rénovation des bâtiments et ouvrages divers lui appartenant.
 
La société requérante, ayant déposé une offre pour deux lots de ce marché, et déclarée attributaire sur l’un des lots, a contesté l’attribution du second lot sur lequel son offre a été rejetée et classée en quatrième position, au motif du caractère identique des offres de deux des trois attributaires de ce lot et de leur irrégularité.
 
La société requérante a obtenu l’annulation de la procédure du lot litigieux devant le tribunal administratif qui a enjoint à la métropole de reprendre la procédure au stade de l'examen des offres, conduisant la métropole Aix-Marseille-Provence ainsi que les deux entreprises attributaires concernées à attaquer cette ordonnance devant le Conseil d'État.
 
En premier lieu, le Conseil d’Etat s’appuie sur I de l'article 57 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, depuis codifié à l'article R. 2151-6 du code de la commande publique dont il rappelle les dispositions :
« Le soumissionnaire transmet son offre en une seule fois. Si plusieurs offres sont successivement transmises par un même soumissionnaire, seule est ouverte la dernière offre reçue par l'acheteur dans le délai fixé pour la remise des offres ».
 
Il en déduit donc qu'un même soumissionnaire ne peut présenter qu'une seule offre pour chaque lot.
 
En second lieu, le Conseil d’Etat s’appuie sur le règlement de la consultation du marché qui précisait que « chacun des lots est conclu avec 3 opérateurs économiques (sous réserve d'un nombre d'offres conformes suffisant) (…) Les candidats ne pourront remettre une offre que sur deux activités techniques de leur choix au maximum. Le nombre de lots géographiques pour lesquels les soumissionnaires peuvent présenter une offre n'est pas limité. / En cas de présentation d'un nombre d'offres supérieur à celui autorisé, toutes les offres du soumissionnaire seront déclarées irrégulières ».
 
Le Conseil d’Etat en déduit que le juge des référés n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que le règlement de la consultation ne permettait pas à un opérateur économique de présenter plusieurs offres pour un même lot.
 
Le Conseil d’Etat affirme avec précision que « si deux personnes morales différentes constituent en principe des opérateurs économiques distincts, elles doivent néanmoins être regardées comme un seul et même soumissionnaire lorsque le pouvoir adjudicateur constate leur absence d'autonomie commerciale, résultant notamment des liens étroits entre leurs actionnaires ou leurs dirigeants, qui peut se manifester par l'absence totale ou partielle de moyens distincts ou la similarité de leurs offres pour un même lot ».
 
Le Conseil d’Etat valide le raisonnement du juge des référés en relevant d’une part que les offres des deux sociétés pour le lot litigieux émanaient de deux sociétés filiales d'un même groupe et, d'autre part, qu'elles étaient identiques et ne pouvaient être considérées comme des offres distinctes présentées par des opérateurs économiques manifestant leur autonomie commerciale.
 
Il en conclut que c’est sans erreur de droit que le juge des référés en a déduit que la métropole devait être regardée comme ayant retenu, pour le même lot, deux offres présentées par un même soumissionnaire, manquant ainsi à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.