Laurent Frölich avocat assistance marchés publics et  droit avocat délégation de service public et  droit de la fonction publique, Paris et Lille

Offre anormalement basse : Interview de Laurent FRÖLICH pour le site Achat Public

Le site Achat Public publie un jugement obtenu par le Cabinet Laurent FRÖLICH accompagné d'un entretien relatif à l'offre anormalement basse et son traitement par les pouvoirs adjudicateurs :
http://www.achatpublic.info/user/login?destination=actualites/info-du-jo...

Rejeter une offre comme anormalement basse, un processus complexe
 
Saisi d’un recours en contestation de la validité du contrat, le juge administratif est revenu de manière détaillé sur les obligations pesant sur le pouvoir adjudicateur lorsqu’il est confronté à une offre anormalement basse : motivation de la lettre de rejet, obligation de rejeter une offre anormalement basse, rupture de l’égalité de traitement des candidats.
 
Dans le cadre d’un recours Tarn-et-Garonne, une entreprise a contesté l’éviction de son offre comme anormalement basse. Mauvais calcul. Dans un jugement rendu fin octobre, le juge du contrat a rejeté sa demande. Le juge a eu dans cette affaire une analyse extrêmement poussée des caractéristiques de l’offre d’un candidat pour la qualifier effectivement d’anormalement basse. Il a également repris l’ensemble des étapes du processus de mise en œuvre de l’article 55 du code des marchés publics alors applicable à cette affaire. Lorsque le pouvoir adjudicateur rejette une offre comme anormalement base, il doit motiver sa décision et ne pas se contenter d’indiquer qu’il « n’est pas possible d’établir le caractère économiquement viable de l’offre ». Sinon, il commet un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Le manquement n’est plus constitué si les motifs sont communiqués à l’entreprise avant que le juge ne statue. C’est ce qu’il s’est passé en l’espèce. L’entreprise a été informée du rejet de son offre pour ce motif avant la signature du marché. Pour le tribunal, elle n’a pas été privée de la possibilité de saisir le juge du référé précontractuel. De plus, la communication ultérieure des motifs détaillés lui ont permis de contester son éviction devant le juge du contrat. « Même en cas d’offre anormalement basse, le pouvoir adjudicateur doit communiquer les motifs détaillés lorsqu’il rejette une offre anormalement basse. Cette décision doit intervenir, y compris lorsque le marché est passé en procédure adaptée », relève maître Laurent Frölich, avocat au barreau de paris.
 
Obliger de rejeter une OAB
Retenir une offre anormalement basse porte atteinte à l’égalité de traitement des candidats. « Le pouvoir adjudicateur a une obligation lourde de contrôler, quelle que soit la procédure, une offre qui lui parait anormalement basse », indique l’avocat. Tant que la procédure n’est pas finie, l’offre est présumée anormalement basse. Ce n’est que si les explications ne sont pas suffisantes, que l’acheteur doit rejeter l’offre », indique Laurent Frölich. « Contrairement à ce que pourrait laisser penser le texte de l’article 55 du code des marchés publics, selon lequel « Si une offre paraît anormalement basse, le pouvoir adjudicateur peut la rejeter », le pouvoir adjudicateur a l’obligation de rejeter une telle offre. En l’espèce, la TA relève que l’offre de la société requérante est inférieure de 45% à la moyenne des offres acceptables. Elle apparait anormalement basse.
Sur demande du pouvoir adjudicateur, la société a expliqué la faiblesse du prix proposé : remise exceptionnelle de son fournisseur, vente à prix coutant de matériels, réduction des coûts de matériels et de main d’œuvre. Selon elle, le pouvoir adjudicateur a commis une erreur manifeste d’appréciation en rejetant son offre comme anormalement basse. « Le contrôle du juge sur l’appréciation portée par le pouvoir adjudicateur est un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation. Le pouvoir adjudicateur ne sera sanctionné en cas d’erreur grossière. Or, en l’espèce, le juge va très loin dans son analyse en reprenant un par un les arguments développés par la société. Il doit prendre garde à ne pas se substituer au pouvoir adjudicateur », développe maître Frölich. Pour la juridiction, au regard du caractère évasif et peu étayé de la réponse faite par l’entreprise et l’absence de pièce justificative des bénéfices attendues de la méthode de travail et de la remise alléguée par le fournisseur, le pouvoir adjudicateur n’a pas commis d’EMA en rejetant l’offre comme anormalement basse.
 
 
TA Melun, 20 octobre 2016, SNC Ineo Reseaux Est
« Le fait, pour un pouvoir adjudicateur, de retenir une offre anormalement basse porte atteinte à l’égalité entre les candidats à l’attribution d’un marché public ; qu’il résulte des dispositions précitées que, quelle que soit la procédure de passation mise en oeuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu’une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé ; que si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l’offre. »