Laurent Frölich avocat assistance marchés publics et  droit avocat délégation de service public et  droit de la fonction publique, Paris et Lille

Résiliation d’un marché public : précisions utiles sur le remboursement de l’avance accordée au sous-traitant de l’attributaire du marché

(Conseil d’Etat, 4 mars 2020, n°423443)
 
Le centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau a passé un marché de conception-réalisation d’un nouvel hôpital avec la société Alfa Bâtiment, mandataire solidaire d'un groupement conjoint d'entreprises. La commune a accepté la société Savima en qualité de sous-traitant pour l'exécution d’un des lots du marché. Cette même société a obtenu une avance forfaitaire de 20 % du montant des travaux sous-traités. A la suite de péripéties économiques et financières, le pouvoir adjudicateur a informé ce sous-traitant de la résiliation du marché pour faute de la société attributaire, et lui a exigé par voie de titre exécutoire le remboursement de la somme correspond à l'avance versée. Mécontente, la société Savima a saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe d’une demande en annulation de ce titre. Le juge de première instance, tout comme le juge d’appel, ont rejeté cette demande. La société requérante forme alors un pourvoi en cassation.
 
De manière très didactique, le Conseil d’Etat dégage le régime juridique applicable aux avances accordées dans le cadre d’un marché public, et son articulation avec la sous-traitance et la résiliation du marché :
 
« Les avances accordées et versées au titulaire d'un marché sur le fondement des dispositions de l'article 87 du code des marchés publics, applicable au litige, ont pour objet de lui fournir une trésorerie suffisante destinée à assurer le préfinancement de l'exécution des prestations qui lui ont été confiées. Le principe et les modalités de leur remboursement sont prévus par les dispositions de l'article 88 de ce code, dont la substance a été reprise aux articles R. 2191-11 et R. 2191-12 du code de la commande publique, qui permettent au maître d'ouvrage d'imputer le remboursement des avances par précompte sur les sommes dues au titulaire du marché à titre d'acomptes, de règlement partiel définitif ou de solde. L'article 115 du même code, dont la substance a été reprise aux articles R. 2193-17 et suivants du code de la commande publique, prévoit que ces dispositions s'appliquent aux sous-traitants bénéficiaires du paiement direct. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que lorsque le marché est résilié avant que l'avance puisse être remboursée par précompte sur les prestations dues, le maître d'ouvrage peut obtenir le remboursement de l'avance versée au titulaire du marché ou à son sous-traitant sous réserve des dépenses qu'ils ont exposées et qui correspondent à des prestations prévues au marché et effectivement réalisées. En cas de résiliation pour faute du marché, le remboursement de l'avance par le sous-traitant ne fait pas obstacle à ce que celui-ci engage une action contre le titulaire du marché et lui demande, le cas échéant, réparation du préjudice que cette résiliation lui a causé à raison des dépenses engagées en vue de l'exécution de prestations prévues initialement au marché. »
 
Outre la précision utile qu’un tel raisonnement est applicable aux marchés passés sous l’empire du nouveau Code de la commande publique, puisque reprenant substantiellement les dispositions de l’article 87 de l’ancien code des marchés publics, une telle décision appelle des remarques importantes.
 
Dans un premier temps, le Conseil d’Etat rappelle la définition fonctionnelle de l’avance au regard de l’article 87 du code des marchés publics. L’avance vise à assurer que le sous-traitant et même l’attributaire d’un marché en règle générale puisse disposer des capacités financières indispensables aux préparatifs sereins de l’exécution de ce marché.
 
Partant de ce constat et rappelant les articles 88 et 115 de l’ancien code des marchés publics, le Conseil d’Etat précise que l’avance est déduite du décompte général définitif du marché, à défaut elle est déduite du décompte partiel, ou dans un dernier cas des prestations effectivement réalisées si le marché est résilié avant son exécution complète. Si aucune prestation n’a été réalisée, quand bien même le sous-traitant a engagé des dépenses visant à leur exécution, le pouvoir adjudicateur peut, de plein droit, obtenir remboursement de l’avance.
 
Enfin, plus intéressant, le Conseil d’Etat apporte quelques précisions sur l’articulation entre l’avance perçue par un sous-traitant, les dépenses qu’il a engagées pour préparer l’exécution des prestations confiées, et la faute du titulaire du marché qui a motivé la résiliation du marché. En ce sens, le juge administratif indique que le sous-traitant peut exercer une action que l’on pourrait appeler récursoire devant le juge judiciaire, visant à obtenir du titulaire du marché par la faute duquel il a été résilié le remboursement des sommes engagées pour préparer l’exécution des prestations objets de la sous-traitance.
 
En conséquence, le Conseil d’Etat casse et annule l’arrêt rendu par la CAA de Bordeaux, lequel avait estimé que le remboursement de l’avance par le sous-traitant était fondé sur l’enrichissement sans cause et non sur les articles 88 et 115 de l’ancien code des marchés publics.