Laurent Frölich avocat assistance marchés publics et  droit avocat délégation de service public et  droit de la fonction publique, Paris et Lille

Un candidat évincé ne peut pas former un référé précontractuel contre un contrat privé de la commande publique lorsqu’il est établi que sa candidature était irrégulière

Cour de Cassation, Chambre Commerciale, 27 Janvier 2021, n° 18-20.783
 
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/arrets_publies_2986/chamb...
 
La société Électricité de France (EDF) a lancé une procédure négociée pour le renouvellement d’un accord-cadre multi-attributaire portant sur des prestations de déménagement. Elle a demandé à un des candidats de justifier du respect, par ses membres, de ses obligations sociales et fiscales, de leur inscription au registre du commerce et des sociétés et de leur certification ISO. Faute d’obtenir ces éléments, la société EDF a alors écarté cette candidature. À la demande du concurrent évincé, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a suspendu la procédure et ordonné à la société EDF de reprendre cette dernière en se conformant à ses obligations de publicité et de mise en concurrence. La chambre commerciale de la Cour de cassation a annulé cette ordonnance.
 
En application des dispositions européennes de la directive « recours » relatives à la procédure de référé précontractuel applicable aux contrats de droit privé relevant de la commande publique, les personnes qui ont intérêt à conclure un tel contrat doivent démontrer, pour justifier leur intérêt à agir, qu’elles sont susceptibles d’avoir été lésées par le manquement qu’elles invoquent. Le recours est rejeté si le manquement n’a pas lésé le candidat.
 
À cet égard, le juge administratif considérait que tel était le cas de l’entreprise ayant présenté une candidature ou une offre irrégulière (CE 11 avril 2012, n° 354652, Société Ody). Par un revirement de jurisprudence à la suite d’une décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE 4 juillet 2013, aff. C-100/12, Fastweb), le Conseil d’État a alors jugé que l’irrégularité de l’offre du candidat évincé ne fait pas obstacle à ce qu’il puisse se prévaloir de l’irrégularité de l’offre de l’attributaire du contrat (CE 27 mai 2020, n° 435982, Société Clean
Building).
 
Par l’arrêt du 27 janvier 2021, la Cour de cassation paraît s’écarter de cette évolution de la jurisprudence administrative. Elle juge que le candidat évincé, dont la candidature est irrégulière, ne justifie pas, de ce fait, d’un intérêt à agir dans le cadre d’un référé précontractuel. Elle considère ainsi qu’en ne recherchant pas si la candidature du groupement était régulière, le premier juge, qui était tenu de s’assurer de l’intérêt à agir en référé précontractuel du groupement, a privé sa décision de base légale.
 
Par cette décision, la Cour de cassation adopte une conception restrictive de la lésion justifiant l’intérêt à agir des concurrents, conception divergente de celle retenue par la jurisprudence récente du Conseil d’État.