Laurent Frölich avocat assistance marchés publics et  droit avocat délégation de service public et  droit de la fonction publique, Paris et Lille

Un plafonnement des accords-cadres imposé par la CJUE

CJUE, 17 juin 2021, Simonsen & Weel A/S c/Région Nordjylland og Region Syddanmark, aff. C-23/20
 
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/GA/TXT/?uri=CELEX:62020CJ0023
 
 
La Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE), par cet arrêt, précise sa jurisprudence du 19 décembre 2018 n°C-216/17 par laquelle elle avait considéré, en vertu de la directive 2004/18, que le pouvoir adjudicateur originairement partie à l’accord-cadre devait impérativement préciser le volume global dans lequel pourront s’inscrire les marchés subséquents.
 
Dans l’arrêt en date du 17 juin 2021, la CJUE énonce que « l’indication par le pouvoir adjudicateur de la quantité et/ou de la valeur estimée ainsi que d’une quantité et/ou d’une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre revêt une importance considérable pour un soumissionnaire, dès lors que c’est sur la base de cette estimation que celui-ci sera en mesure d’apprécier sa capacité à exécuter les obligations découlant de cet accord-cadre »
 
Par conséquent, l’avis de marché et/ou le cahier des charges doit indiquer la quantité et/ou la valeur estimée ainsi qu’une quantité et/ou une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre et, une fois, cette limite atteinte, l’accord-cadre aura épuisé ses effets.
 
Néanmoins, ces indications peuvent apparaitre uniquement dans le cahier des charges si les soumissionnaires peuvent directement y avoir accès sans avoir à exprimer au préalable d’un quelconque intérêt auprès du pouvoir adjudicateur.
 

Justification

 
Il y a des explications pragmatiques à cette décision : le fait que l’établissement d’une évaluation maximale permet à l’acheteur public de choisir la procédure, ou encore le fait que les formulaires des marchés comportent une rubrique consacrée à la valeur totale maximale de chacun des lots. Néanmoins, la CJUE a surtout été motivée par certains grands principes : l’égalité de traitement, mais aussi la transparence des procédures. En effet, ces principes impliquent une information complète des soumissionnaires quant à la portée de la commande et à leur capacité à la satisfaire.
 
À ce titre, la CJUE rappelle que le fait de ne pas indiquer de maximum constitue une utilisation abusive de l’accord-cadre conduisant l’acheteur à passer des commandes plus importantes que celles prévues au sein de l’avis d’appel public à la concurrence, et dans ce cas, il s’agirait d’une modification substantielle des conditions de mise en concurrence au bénéfice du titulaire du marché.

 

Conséquences

 
Dans cet arrêt, la CJUE affirme le caractère contraignant de cette disposition puisque si le pouvoir adjudicateur pouvait dépasser largement la quantité ou la valeur maximale indiquée, l’interdiction des modifications substantielles serait privée d’effet utile. Néanmoins, se pose la question des conséquences attenantes à la méconnaissance de ces mentions. La Cour a d’ores et déjà établi qu’il serait disproportionné de l’assimiler à une absence de publication de l’avis de marché, privant d’effets le contrat en question.
 
Bien qu’il soit tentant d’indiquer des plafonds très importants afin de ne pas être contraints par cette disposition, il ne fait pas de doute que le juge exercera au minimum un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation.